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samedi 21 mars 2015
L’accident
Le soleil est très haut et la route est déserte
Il sent sa vie s'enfuir par sa poitrine ouverte
Et son corps disloqué refuse d’obéir
Ses lèvres se crispent dans un dernier sourire.
Il regarde le ciel encore tout bleu d’azur.
Sous la brise légère frémissait la ramure
Du chêne au pied duquel s'est terminée sa route.
Ce chêne qui l'attendait, ce soir, sans aucun doute.
Mais oui, il est certain que quelqu’un va venir.
Une voiture s’arrête. On va le secourir.
Une portière qui claque, des pas sur la chaussée.
Mais las, c’était écrit, son heure avait sonné.
Et l’inconnu trompé, le voyant immobile,
Poitrine déchirée, ne bougeant plus d’un cil,
Avait conclu trop vite qu'il était trépassé,
Et fini par s’enfuir, s’efforçant d’oublier.
Maintenant il sait qu'il va mourir, c’est trop bête,
Sans même de cet homme reconnaître la tête.
Il l'a juste entrevue dans le léger brouillard
De l’ombre de la mort qui voilait son regard.
Et lorsque du cadavre allongé sous le ciel,
Se sera évadée l’étincelle immortelle,
Qu'il contemplera d’en haut son injuste trépas,
Il comprendra peut-être les raisons de cela.
Pourquoi dans sa vindicte contre lui dirigée,
Dieu avait tranché le fil de sa destinée,
En arrêtant auprès de sa voiture en miettes
Où il gisait blessé, un homme trop honnête.
Qui n’ lui a pas tendu une main secourable
Craignant qu’on ne l’accuse d’être le vrai coupable,
De l’accident stupide qui provoqua sa perte.
Il aurait pu, quand même, au moins, donner l’alerte
Appeler les pompiers, la police, un docteur !
Il suffisait au plus d’un tout petit quart d’heure
Qu’il sacrifie un peu de sa tranquillité.
Ainsi, certainement, il eût été sauvé.
Mais le Samaritain s’était vite esquivé
Oubliant son devoir de solidarité.
Sans demander son reste, il s’était défilé,
Laissant aux autres les responsabilités.
Se disant qu’après tout, s’il fallait qu’il s’arrête
Chaque fois que quelqu’un se trouve dans le pétrin
Pour rendre des services sans y être invité,
Il n’aurait plus le temps de conduire ses affaires.
Ronchonnant que pour l’heure, c’était le tour des autres
D’avoir à se dévouer, de jouer les bons apôtres
Que d’ailleurs il avait bien trop de choses à faire
Qu’à s’embarquer encore dans une autre galère.
Muselant sa conscience, ravalant sa fierté,
Refusant l’assistance qui l'aurait épargné,
Il était reparti sans plus le regarder,
S’installer de nouveau dans sa tranquillité.
Ainsi en faisant preuve d’une belle indifférence
Il reprit son chemin sur les routes de France
Sans même se douter que son inconséquence
Allait coûter la vie à un copain d’enfance.
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